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26 septembre 2007

Photos de guerre truquées...ou pas

Errol Morris ouvre sur son blog du NewYork Times une réflexion passionnante sur la scénarisation, le bidonnage, la tromperie dans un genre noble entre tous: la photo de guerre. Son enquête concerne deux prises de vues réalisées en avril 1855 sur un front de la guerre de Crimée par Roger Fenton, un civil autorisé par l'état-major franco-britannique à capter des images sur le théâtre des opérations contre les troupes russes.

Crim_e_Fenton_sans_les_bouletsSelon Susan Sontag, grande théoricienne de la photographie, Roger Fenton s'est rendu dans un endroit surnommé "La Vallée de l'Ombre de la Mort" qui était systématiquement pilonné par l'artillerie russe et il y a pris la photographie ci-contre à gauche.

(cliquer sur les images pour les agrandir)

Puis, toujours selon Susan Sontag, il a fait transporter au milieu du cheminCrim_e_Fenton_avec_les_boulets les boulets de canon qui étaient sur les bas-côtés dans la photo précédente.

Ainsi, Roger Fenton aurait arrangé la scène afin de dramatiser l'image. Il est en effet beaucoup plus dangereux de circuler sur une voie pleine de projectiles que sur un sentier dégagé. D'autant que le nombre de boulets, plus nettement perceptibles sur la photo du bas, suggère un bombardement intensif.

Errol Morris se demande au nom de quoi Susan Sontag a pu décréter que la photo en haut à gauche, sans boulets sur la route, résulte forcément de la première prise de vue. Ce qui implique une mise en scène dont résulte la photo en bas à droite, avec plein de projectiles sur la voie.

En poussant très loin son enquête, avec de précieux témoignages et documents à l'appui, Errol Morris pense, lui, que la photo "avec boulets" a été réalisée avant la photo "sans boulets" car les soldats français et britanniques avaient l'habitude de ramasser les projectiles ennemis afin de les recycler dans une fonderie. Roger Fenton n'aurait donc pas fait répandre des boulets sur sa route; il aurait pris une photo avant ramassage et une photo après ramassage.

Cette réflexion réhabilite le premier photographe de guerre de l'histoire, considéré comme un reporter soumis à la censure militaire. Un photographe "embarqué" comme l'ont été les journalistes de la Guerre du Golfe et de l'invasion de l'Irak.

La critique photographique est sérieusement mise en cause par le renversement du raisonnement arbitraire de Susan Sontag: elle avait dénoncé une photo truquée parce qu'elle estimait que Fenton était un truqueur.

C'est enfin la preuve que la question de la vérité photographique (sans parler de son rapport à la réalité, de la sincérité et de l'honnêteté) n'ont rien à avoir avec le procédé argentique ou les technologies numériques.

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