L'assassinat annoncé de Barak Obama
Sean Delonas a signé dans le New York Post daté du mercredi 17 février 2009 une réalisation qui se prête à trois interprétations.
La première consiste à voir dans cette scène une charge raciste exceptionnellement explicite. Elle s'impose à la lecture de la bulle:"Ils vont devoir trouver quelqu'un d'autre pour écrire la prochaine loi de soutien à l'économie."
Il n'y a aucun rapport direct entre un singe et la loi de soutien à l'économie. Mais c'est Barak Obama qui a promulgué la loi en question. Or, dans l'imaginaire raciste, les Noirs sont fréquemment assimilés à des animaux simiesques, en particulier aux chimpanzés.
Les dirigeants du New York Post avancent une autre interprétation: le singe abattu de deux balles représenterait Travis, un chimpanzé du Connecticut que la police a dû abattre récemment parce qu'il avait attaqué l'ami de son propriétaire.
Problème: on ne voit pas le rapport entre Travis et la loi de soutien à l'économie.
Des intellectuels hasardent, sans grande conviction, une seconde interprétation: le dessin serait à "apprécier" au deuxième degré; l'auteur aurait voulu représenter, à travers le geste des policiers, l'attitude des ultra-conservateurs ulcérés par la loi de soutien à l'économie. Le dessinateur aurait donc attribué le stéréotype raciste aux pires adversaires idéologiques de Barak Obama. Selon une variante, peu crédible, de cette seconde interprétation, le singe représenterait les conseillers du président américains, abattus parce qu'ils avaient rédigé une loi de soutien inepte, preuve qu'ils étaient devenus fous...
Les mêmes intellectuels rappellent que la référence simiesque n'est pas un stéréotype spécifiquement raciste dans la mesure où elle a été abondamment exploitée contre Bush, Ce qui est exact.
Selon une troisième interprétation, le dessinateur se serait piégé lui-même. A force de provoquer pour faire parler de lui - avec une motivation bassement mercantile: être publié dans le plus grand nombre possible de journaux - il se serait condamné à la surenchère dans l'outrance. Il aurait eut, effectivement, l'intention de stigmatiser les réactions des ultra-conservateurs mais sans comprendre que cette charge au deuxième degré ne "passe" pas.
Je suis personnellement convaincu que, comme un de ses homologues hexagonaux, ce dessinateur sans grande inspiration n'a guère que la provocation comme substitut au talent. Il a d'ailleurs commis d'autres niaiseries dans d'autres publications.
Cependant l'outrance dépourvue de talent agit comme un décapant sur les esprits un peu épais: les gros ressorts bien gras du crétinisme sont plus évidents que les subtils rouages des intelligences sophistiquées.
Mon interprétation: la prémonition d'une fatwa ultra-conservatrice
Dans une note récente en date du 19 janvier, j'ai suggéré que les caricatures de Barak Obama révèlent la persistance d'une forte prégnance de la mentalité raciste aux Etats-Unis. Liée aux fondamentalismes protestants du Sud, cette mentalité raciste a été superficiellement masquée pendant une trentaine d'années - depuis la fin des années soixante - par le langage politiquement correct des intellectuels libéraux de la côte Est.
Mais l'hégémonie idéologique des ultra-conservateurs depuis le milieu des années quatre-vingt dix a favorisé un regain d'influence des fondamentalistes protestants. La confluence de l'ultra-conservatisme économique et du fondamentalisme religieux libère les pulsions et le langage racistes difficilement refoulés jusqu'ici. Le dessin de Sean Delonas est une première manifestation d'un défoulement nationaliste et raciste rendu possible par l'alliance entre les fanatiques religieux et les conservateurs au pouvoir avec Bush.
Ce dessin de défoulement raciste n'est pas un lapsus. Il est prémonitoire. Dans un billet mis en ligne le 1er janvier sur un autre blog, j'ai envisagé très tôt l'hypothèse d'un assassinat de Barak Obama. Il serait, s'il se produisait, vraisemblablement imputé à un exalté du Sud profond.
Grâce au dessin grossièrement prémonitoire de Sean Delonas, il est maintenant possible d'envisager qu'un éventuel assassinat du président des Etats-Unis soit, aussi et surtout, inspiré par les milieux ultra-conservateurs qui considèrent les premières initiatives économiques de Barak Obama comme des mesures "socialistes".
Ce qui, aux Etats-Unis, équivaut à une fatwa.
Voir aussi la galerie consacrée à quelques caricatures de Barak Obama.