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15 novembre 2006

Pub, provoc et bigoterie

Selon la Cour de Cassation (1), la bâche publicitaire qui s’inspire d’une représentation de la Cène par Léonard de Vinci n’est pas de nature à offenser les catholiques. Ce jugement revient à considérer que l’interdiction d’affichage prononcée par l’an dernier par la Cour d’Appel de Paris était une atteinte à la liberté d’expression.La_C_ne

L’expression dont il s’agit est en fait la transposition photographique d’une œuvre peinte qui résulte elle-même d’une interprétation visuelle de certains textes évangéliques. La méthode s’inspire également des tableaux vivants utilisés par le théâtre pour souligner des moments décisifs ou suggérer un effet de suspension du temps. Elle a consisté, en l’occurrence à reproduire une composition – disposition et postures des personnages – conçue par le peintre. La transposition est explicitement signifiée par la substitution de l’arrière-plan: la perspective architecturale de Léonard de Vinci est remplacée par un fond intemporel typiquement photographique. Sur le plan esthétique, le résultat est quelconque.

Dans l’univers des images, la publicité utilise la transposition comme d’autres détournent des avions, pour obtenir un impact psychologique massif. Un retentissement générateur de notoriété suppose l'amplification médiatique d'une émotion telle que l'indignation. Quand cette émotion et cette amplification ne se déclenchent pas spontanément, une provocation bien ajustée stimule les milieux les plus sensibles: les bigots dans ce cas précis. La provocation évoque d’ailleurs la photographie puisqu’il s’agit d’une inversion avec une dominante masculine dans l’œuvre peinte et une dominante féminine dans la version publicitaire. Pour les bigots catholiques, musulmans ou juifs, cette inversion sexuelle équivaut à un renversement du positif (masculin) vers le négatif (féminin).

Ce qui est intéressant dans l’exploitation de cette image, c’est justement le comportement bigot. Une association catholique ainsi que des évêques ont considéré que la bâche publicitaire mettait en cause « un évènement fondateur de la foi chrétienne ». Or ni l’image publicitaire, ni même l’œuvre peinte ne sont des évènements fondateurs. Cet évènement a été rapporté par les rédacteurs des évangiles. Ces rédacteurs n’ont pas été les témoins directs de la scène. Sur la foi de leurs récits formatés ensuite par les autorités religieuses, un artiste de la Renaissance a proposé une vision du repas. Une vision conforme aux canons religieux et esthétiques de l’époque. La publicité en propose une variation pas vraiment iconoclaste. Or les bigots confondent « l’image de l’image du récit indirect de l’évènement » avec l’évènement lui-même. C’est de l’iconolâtrie, du totémisme, du fétichisme et ces aberrations collectives relèvent d’une mentalité magique passablement régressive. Le plus inquiétant est qu’il se soit trouvé des magistrats d’une Cour d’Appel pour entrer dans ce type de « pensée ».
(1) Décision du 14 novembre 2006 sur la bâche illustrée par l'agence Air Paris pour les créateurs de mode Marithé et François Girbaud (Le Monde daté du 16 novembre)

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Commentaires
A
Le problème de ce visuel valorisé par les bigots, c'est qu'il n'est même pas intéressant. Il pourrait servir d'affiche au mièvre feuilleton "Desesperates housewiwes".<br /> Les bigots instrumentalisés en caisse de résonance amplificatrice nous infligent sans le vouloir une forme même pas drôle de plagiat paresseux.
F
Oui exact !
X
Excellent article!<br /> <br /> C'est une bonne nouvelle que les publicitaires aient gagné ce procés, ça tenait du ridicule.
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