L'Islam, la Femme et l'Image
Malika, 23 ans, est accusée par son mari d'avoir eu une liaison avec un Russe. Tchétchène, Malika est musulmane. Slave, son amant supposé est chrétien. Les forces de sécurité s'emparent de la femme, rasent ses cheveux, peignent son crâne avec la couleur de l'Islam et dessinent sur son front une croix d'infamie.
Pendant deux heures, Malika dénudée est battue avec des morceaux de bois dans une caserne des forces de sécurité. Puis elle est ramenée dans le village, traînée devant le domicile de son époux où elle est contrainte de danser en public. Elle reçoit des coups de pied chaque fois que ses tortionnaires estiment que sa chorégraphie n'est pas suffisamment lascive.
ll importe peu que cette
scène se passe en Tchétchénie sous la férule d'un chef de guerre
pro-russe. Ce qui est décisif, ici, c'est que la soldatesque ait
éprouvé
le besoin d'enregistrer les sévices qu'elle inflige à la jeune femme
enceinte. Les miliciens musulmans disposent de téléphones nomades
équipés de capteurs numériques. Or ces vaillants croyants ne contrôlent
pas l'image numérique, qui devient virale dès
lors qu'elle est mise en circulation sur les réseaux de téléphonie
mobile.
L'envoyé spécial du New-York Times dans la contrée pacifiée
par Poutine a pu facilement se procurer ces petites vidéos
déconseillées aux personnes sensibles. Dans la scène d'humiliation
publique infligée à Malika, un défenseur de la Tchétchénie et de
l'Islam suit sa victime en brandissant son téléphone, se plaçant comme
un paparazzi dans le champ d'un autre voyeur numérique.
L'Islam
contrôle mieux la Femme que les technologies de la communication. Or,
ces
dernières posent à l'Islam des questions que les dévôts de toutes
obédiences religieuses évitent de poser. Les croyants en
uniformes ont en l'occurrence un étrange rapport avec l'Image: dessiner
leur prophète, non; montrer plusieurs hommes en armes en train de
battre une femme seule, oui. L 'Islam iconoclaste fait d'ailleurs un
usage ambigu de l'image: vacarme planétaire et morts violentes pour des
caricatures, silence de mort sur des scènes de tortures. Humanisme...
Source: C.J. Chivers pour le New York Times en ligne