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23 août 2006

L’actualité cartographiée en temps réel

Quand plusieurs points d’un planisphère s’animent au gré de stimuli déclenchés par des dépêches d’agences, l’image électronique propose la représentation la plus achevée de ce qu’est l’actualité aujourd’hui: une symbiose de l’espace, symbolisé par le schéma de la planète, et du temps, que des points lumineux se chargent de baliser. Réalisée par le designer hollandais Jeroen Wigering, Mappedup est une fascinante interface graphique, une killer application, à la fois fonctionnelle et créative.
La richesse et l’énorme potentiel de développements futurs de cette visualisation tient au fait qu’il s’agit d’une métaphore de l’industrie de l’information, métaphore dont la profondeur est accessible par des codes de décryptage.Mappedup_planisph_re
Calés sur leurs fuseaux horaires, les continents se décomposent en plusieurs dizaines de spots qui sont autant de points de localisation. Les taches lumineuses qui restent vertes désignent les contrées où les médias estiment qu’il ne se passe rien d’intéressant. A elle seule, cette règle du code de décryptage résume de manière fulgurante le fonctionnement, arbitrairement filtré, de l’industrie de l’information. Premier filtre: les agences décident qu’à tel endroit, il ne se passe rien qui soit digne d'être relaté et diffusé. Deuxième filtre: l’interface graphique ne glane que quelques unes des sources d’information actives dans une région donnée.Or, certaines régions ne sont pas "couvertes" par les médias et dans certains pays les médias sont contrôlés ou n'ont pas les moyens d'assumer leur mission d'information. Ainsi, les spots africains ne s’allument presque jamais; or il se passe forcément des choses intéressantes en Afrique; donc, l’information s'affiche avant tout comme une représentation construite par des professionnels qui sélectionnent et hiérarchisent les faits et les évènements selon des critères largement opaques.
Mappedup_Am_riques_1Certains spots apparaissent en jaune ou en rouge. C’est la parfaite transposition, dans un code de couleurs conventionnel, de l’expression « les points chauds de l’actualité. » Les spots jaunes et rouges émettent sporadiquement des courbes concentriques, représentation la plus convenues des ondes. On y voit évidemment des références aux ondes de la radio et de la télévision tandis que l’animation électronique s’interprète comme un signal d’alerte. De manière plus singulière encore, les points lumineux transcrivent certains tics de langage des présentateurs de journaux radiophonique et télévisés, lorsqu’il disent, en formules de transition, pour changer de sujet: «  Nous allons maintenant à … », « Direction Beyrouth, où … ».  

Si elle ne proposait qu’une image de l’actualité digne des enseignes de Las Vegas, avec des ampoules qui s’allument et qui s’éteignent, Mappedup ne passionnerait guère que les « accrocs de l’info », les news junkies, qui pourraient y exciter leur anxiété boulimique. 
En fait, le potentiel de développements est immense. D’abord, parce que le planisphère est interactif, supériorité absolue de l’imagerie électronique sur les imageries antérieures (photographie, cinéma, télévision). Grâce à l'interactivité, l’utilisateur exerce une liberté cruciale: il choisit ses centres d’intérêt et ses sources d'information. Il peut en effet ajouter ses propres fils RSS à ceux qui sont proposés par la version beta téléchargeable gratuitement. Ce faisant, il personnalise l’interface gratuite et se l’approprie partiellement.Mappedup_Am_riques_2_bis Les spots qu’il voit s’activer sur l’écran sont des messagers programmés par lui. Même si les sources sont largement filtrées, il ne subit plus totalement l’arbitraire de l’industrie de l’information. Pour assumer la responsabilité de sa liberté de choix, il a accès aux sources d'information par un simple clic sur une bulle - référence à la bande dessinée – qui résume l’information d'une phrase assortie d'un lien hypertexte. L’utilisateur peut donc exercer sa faculté de discernement en retenant et en éliminant certaines sources.
La fonction de partage des sources d’information n’est pas un utopique gadget d’intelligence collective, c’est un moyen de vérifier l’origine et la qualité des informations en les soumettant à la vigilance d’autres utilisateurs concernés par les mêmes thèmes, et parmi lesquels se trouvent probablement des experts du sujet traité.
                                         Mappedup_symbole_partage

On imagine, sur ces bases prometteuses, des implémentations de sons et d’images fixes ou animées, d’outils de vérification sémantiques plus perfectionnés. L’information ne sera plus, alors, un spectacle de diversion comme c’est le cas à la télévision, mais une vision proche de la visualisation scientifique fondée sur des hypothèses réfutables : en l’occurrence celles de la validité des sources et du rôle des filtres.

Comme cet outil s’utilise sans médiateurs – au grand dam du sociologue Dominique Wolton – et comme les sources d’information passent par les fils RSS, il s’agit bien d’une illustration des nouveaux médias. D’ailleurs le planisphère électronique montre une des dimensions essentielles de la Toile mondiale.
Source : L'atelier numérique

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