Johnny Cash, homme logo
L'image de soi devient un logo vivant quand l'apparence (en
anglais: the look) résume
et synthétise une personnalité. C'est le cas
de Johnny Cash qui a incorporé ses valeurs paradoxales - révolte et
soumission bigote, anarchisme et patriotisme guerrier, morale et
transgressions variées - dans un code de couleurs aussi efficace que
celui des
armoiries médiévales: rouge, blanc, noir.
Les justifications chantées, écrites et filmées de "L'homme en noir" importent moins que la robustesse et la pérénnité de ce qui s'apparente à un marketing de l'ego. Cette projection narcissique passe par deux stratégies combinées. L'une consiste à capter des signes d'autant plus ostentatoires qu'ils ont été incrustés dans l'imaginaire collectifs par des héros faisant figures d'archétypes. Johnny Cash a ainsi adopté, guitare dans le dos, la dégaine des chanteurs protestataires vagabonds dans l'Amérique des années trente. L'autre stratégie suppose une capacité à inventer et à propager des indices puissamment connotés comme le noir, un des attributs du rebelle.
Johnny Cash ne s'est pas contenté, comme beaucoup d'insignifiants people
d'hier et d'aujourd'hui, d'afficher des signes renvoyant à des postures
stéréotypées. Ses récitals dans les prisons témoignent d'une attention qui
relève du vertige existentiel. Mais le critère décisif est celui de
l'authenticité. Produit d'une mentalité sudiste à la fois libertaire et
puritaine, individualiste et compassionnelle, l'auteur de "Walk the
line" était ce qu'il faisait et faisait ce qu'il était. Son image, au sens
de "réputation", est plus cohérente malgré ses intimes dissonances,
que celle d'Elvis Presley, écartelée entre "King Creole" et Las Vegas.
Le film